Témoignage
Vis ma vie de data scientist
Le traitement du big data a ouvert de nouvelles perspectives dans de nombreux domaines, et le secteur bancaire ne fait pas exception. Parmi les professionnels en charge de l’exploitation de cette mine d’or, le data scientist occupe une place de choix.
L’économie s’est numérisée, nous générons chaque jour plusieurs trillions d’octets de données : messages et publications sur les réseaux sociaux, achats en ligne… c’est ce qu’on appelle le big data. Une véritable révolution marketing pour les établissements bancaires. Et pour cause, le traitement de ces données permet à une banque d’optimiser sa relation client et ses performances. Vincent Siri, responsable service Data Analytics au sein du Crédit Mutuel Nord Europe, nous dit tout du métier de data scientist.
Vincent Siri, comment expliquer le métier de data scientist aux étudiants qui nous lisent ?
Le data scientist est celui qui traite des sources de données hétérogènes et des volumes de données très importants pour répondre à des problématiques métiers. Il transforme les données en informations.
Auparavant, une banque n’avait qu’une source de données, les données transactionnelles du client. Aujourd’hui, il y a de nouvelles sources :
- L’activité digitale du client, c’est-à-dire la façon dont il se comporte sur le site de la banque, mais aussi sur les sites partenaires et les réseaux sociaux (dans le respect des règles RGPD, bien entendu).
- Le monde de l’open data, c’est-à-dire les données publiques, comme celles de l’Insee, notamment.
- Les données issues de la relation client, c’est-à-dire les mails envoyés aux conseillers ou les données vocales.
Parmi tout cela, il faut trouver les bons critères pour chercher les données les plus fines possible et pousser la bonne info au bon moment.
Et à qui est destinée cette info ?
À différents acteurs. Chaque conseiller dispose d’un portefeuille de centaines de clients, on est là pour donner les opportunités commerciales les plus pertinentes pour chaque client. On peut soumettre jusqu’à une vingtaine d’opportunités par semaine.
Cela vaut aussi pour les téléconseillers de la plateforme téléphonique ou encore pour la direction Marketing avec les envois de mails et SMS ciblés.
Les modèles que l’on met en place servent également à adapter le site de la banque en fonction de chaque utilisateur. Selon le profil, on va recommander de pousser telle ou telle bannière.
C’est une nouvelle relation commerciale qui se dessine…
Oui, le secteur bancaire est de plus en plus concurrentiel, on est dans l’ère de l’open banking et des pure players. De son côté, le client demande toujours plus d’immédiateté et de pertinence dans les réponses apportées à ses demandes. En quelques clics, un client mécontent peut changer de banque.
La data doit donc accompagner le secteur bancaire dans sa mutation. Au Crédit Mutuel, par exemple, les conseillers disposent de l’assistant virtuel Watson d’IBM. Il analyse et hiérarchise les mails reçus. Cela permet aux conseillers de gagner du temps afin de se consacrer à des tâches à plus forte valeur ajoutée. L’intelligence artificielle de Watson n’est pas là pour remplacer l’humain, ce sont juste des algorithmes qui visent à accompagner au quotidien les conseillers au service de leurs clients.
On entend souvent parler du data analyst, en quoi se différencie-t-il du data scientist ?
Le data scientist a des compétences plus fortes sur les maths et sur la data, alors que le data analyst a une vision métier plus large. Le data analyst est un profil à la fois marketing et analytique dont le rôle est de suivre et d’analyser les performances des actions commerciales. En somme, le data scientist et le data analyst se complètent. Dans mon équipe il y a six personnes, autant de data scientists que de data analysts.
Comment devient-on data scientist ?
Il faut avoir un profil scientifique avec une appétence pour l’informatique, ou l’inverse. Mais il n’y a pas vraiment de parcours idéal. Un profil très matheux peut monter en compétence en informatique et un profil informaticien peut monter en compétence en mathématiques. Pour ma part, j’ai suivi une formation de maths et j’ai obtenu un master Ingénierie statistique et numérique à Lille 1.
Ce qui est très important, c’est d’être curieux. On ne va pas tout apprendre à l’école, donc on doit être capable de s’auto-former sur les nouveaux algorithmes. Il faut également être passionné, ce n’est pas une profession que l’on exerce sans passion.
Par ailleurs, les profils ayant effectué une formation en alternance sont privilégiés dans les recrutements. Par rapport à un stage, l’alternance permet d’investir sur des personnes en se laissant le temps de les former pour qu’elles soient opérationnelles et autonomes. Dans un domaine technique comme la data science, on a besoin de temps. C’est du gagnant-gagnant pour tout le monde
Quel est le quotidien de votre métier ?
Le data scientist est intégré à la direction Marketing. Il doit comprendre les besoins des métiers et les traduire d’un point de vue technique : « De quelles données ai-je besoin ? Quels sont les outils et les méthodes les mieux adaptés à ma problématique ? » Au Crédit Mutuel, le data scientist va bien au-delà de la banque. Nous intervenons sur des problématiques liées à l’immobilier, aux assurances et à la santé. Puis vient la phase de traitement des données, c’est ce qu’on appelle le data management et ça représente 80 % du temps de travail. Ensuite, on passe à la modélisation et enfin, à la restitution aux métiers en vulgarisant notre travail.
On doit également rester en veille permanente sur le développement de nouveaux algorithmes. D’ailleurs, la force du Crédit Mutuel est de disposer d’une data factory. Il s’agit d’un support communautaire sur lequel échangent au quotidien tous les data scientists des différentes fédérations du Crédit Mutuel et de filiales telles que Cofidis et Monabanq. Cela crée une émulation. On y partage les découvertes d’algorithmes et on émet des remarques d’optimisation de notre plateforme big data.
Quelles sont les perspectives d’évolution d’un data scientist ?
C’est compliqué d’estimer l’évolution, car la profession est jeune, on a peu de recul. Bien entendu, il est possible de prétendre à des fonctions de management. La data étant extrêmement stratégique, on peut aussi imaginer basculer sur des fonctions de direction voire de direction générale. D’ailleurs, un nouveau poste est apparu, celui de chief data officer. Il est en charge de la gouvernance de la gestion de données pour l’ensemble d’un groupe.
Article réalisé dans le cadre d'un partenariat avec letudiant.fr